- 14 Décembre 2016
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- Localité
- Paris
- Véhicule
- Toyota Prius 4
La commission se penche sur les algorithmes de la société de VTC après des suspensions de comptes inexpliquées. L’affaire prend une dimension européenne.
« Votre compte a été suspendu », « votre partenariat avec Uber a pris fin », « vous devez désinstaller l’application Uber driver »… Ils sont plus d’une centaine de chauffeurs à avoir reçu, ces derniers mois, ce type de messages stéréotypés leur notifiant sans autre formalité la suspension provisoire ou définitive de leur partenariat avec le numéro un des VTC. Aucun avertissement, aucune explication claire sur les raisons exactes de la rupture contractuelle, aucune possibilité de les contester auprès d’une personne physique ne leur ont été offerts. Tout au plus, le message mentionne une « anomalie » ou la « violation de la charte de la communauté Uber ». Pour certains chauffeurs, ce fut la douche froide ! Ainsi, Charifa, affublée du statut « chauffeur diamant » avec une note de 4,94/5, ne s’attendait pas à être rayée de la carte d’Uber du jour au lendemain. Ses demandes d’information sont restées sans réponse.
Uber veut éviter de créer de l’ancienneté, et les droits qui vont avec.Me Jérôme Giusti.
« Les chauffeurs n’ont pas pu contester ce procédé automatisé de prise de décision dont on ne connaît ni la logique sous-jacente ni les critères, ce qui les rend totalement arbitraires », s’indigne l’avocat Jérôme Giusti, qui a déposé une plainte auprès de la Cnil au nom de la Ligue des droits de l’homme pour la… quatrième fois consécutive ! « Ces déconnexions massives depuis un an sont réalisées en violation de plusieurs dispositions du règlement général sur la protection des données (RGPD). En principe, toute personne dont les données sont collectées a le droit de s’opposer à ce qu’une décision soit prise contre elle de manière automatique et sans intervention humaine, explique l’avocat. Même s’ils ont le simple statut de partenaires commerciaux, ces chauffeurs ne sont même pas traités comme tels. » En réalité, devine l’avocat, si Uber sanctionne ses chauffeurs, et en particulier ses chauffeurs les mieux notés, c’est pour « éviter de créer de l’ancienneté, et les droits qui vont avec, ce qui implique de remplacer les équipes ».
Uber conteste ce qui lui est reproché et affirme par la voix de son porte-parole que ces déconnexions sont intervenues « après un examen manuel » par son équipe de « spécialistes ». Toutefois, son algorithme dédié à la suspension automatique de comptes a déjà été sanctionné aux Pays-Bas. Saisi par un groupe de chauffeurs, un tribunal d’Amsterdam a, en février 2021, ordonné à Uber (qui ne s’est pas présenté à l’audience) d’annuler la désactivation des comptes concernés et de les réactiver sur sa plateforme.
En Italie, le cas Foodinho
D’autres plateformes utilisant des algorithmes similaires ont elles aussi été épinglées. La « Cnil » italienne a, début juillet, prononcé une sanction de 2,6 millions d’euros contre la plateforme de livraison de repas à domicile Foodinho (détenue par l’espagnol Glovo), qui gérait ses livreurs à vélo à l’aide d’un algorithme, sans aucune intervention humaine. Le motif ? Foodinho n’a pas correctement expliqué aux livreurs le fonctionnement de son système de gestion automatisée des commandes et ne s’est pas assurée de la justesse de l’évaluation algorithmique de leurs performances. Foodinho s’est aussi vu reprocher de ne pas avoir fourni aux livreurs la possibilité de contester les mesures prises à leur encontre par ces algorithmes de « performance ». « Ce sont des peines très fortes et dissuasives », commente Me Giusti.
Le dossier « Uber » est aussi entre les mains de l’autorité néerlandaise de protection des données, chef de file des Cnil européennes. « Celle-ci va instruire le dossier et demander à Uber des explications, l’objectif étant d’unifier les décisions qui concernent des opérateurs transfrontaliers », explique l’avocat. Vu l’importance de l’affaire, ce dernier a, à sa demande, été auditionné par la présidente de la Cnil. Il attend de pied ferme le résultat de ses premières plaintes, qui datent d’environ un an. « La Cnil doit s’assurer que les déconnexions sont basées uniquement sur un traitement automatisé, ce qui prend du temps. » L’avocat attend le résultat de cette action pour saisir le juge judiciaire dans le cadre d’une action de groupe visant à obtenir la réparation des préjudices. Me Giusti en fait une affaire de principe allant au-delà du cas d’espèce : « Ce sujet est majeur et paneuropéen. Au-delà des chauffeurs et livreurs, il interroge l’avenir du travail à l’ère des robots. »
« Votre compte a été suspendu », « votre partenariat avec Uber a pris fin », « vous devez désinstaller l’application Uber driver »… Ils sont plus d’une centaine de chauffeurs à avoir reçu, ces derniers mois, ce type de messages stéréotypés leur notifiant sans autre formalité la suspension provisoire ou définitive de leur partenariat avec le numéro un des VTC. Aucun avertissement, aucune explication claire sur les raisons exactes de la rupture contractuelle, aucune possibilité de les contester auprès d’une personne physique ne leur ont été offerts. Tout au plus, le message mentionne une « anomalie » ou la « violation de la charte de la communauté Uber ». Pour certains chauffeurs, ce fut la douche froide ! Ainsi, Charifa, affublée du statut « chauffeur diamant » avec une note de 4,94/5, ne s’attendait pas à être rayée de la carte d’Uber du jour au lendemain. Ses demandes d’information sont restées sans réponse.
Uber veut éviter de créer de l’ancienneté, et les droits qui vont avec.Me Jérôme Giusti.
« Les chauffeurs n’ont pas pu contester ce procédé automatisé de prise de décision dont on ne connaît ni la logique sous-jacente ni les critères, ce qui les rend totalement arbitraires », s’indigne l’avocat Jérôme Giusti, qui a déposé une plainte auprès de la Cnil au nom de la Ligue des droits de l’homme pour la… quatrième fois consécutive ! « Ces déconnexions massives depuis un an sont réalisées en violation de plusieurs dispositions du règlement général sur la protection des données (RGPD). En principe, toute personne dont les données sont collectées a le droit de s’opposer à ce qu’une décision soit prise contre elle de manière automatique et sans intervention humaine, explique l’avocat. Même s’ils ont le simple statut de partenaires commerciaux, ces chauffeurs ne sont même pas traités comme tels. » En réalité, devine l’avocat, si Uber sanctionne ses chauffeurs, et en particulier ses chauffeurs les mieux notés, c’est pour « éviter de créer de l’ancienneté, et les droits qui vont avec, ce qui implique de remplacer les équipes ».
Uber conteste ce qui lui est reproché et affirme par la voix de son porte-parole que ces déconnexions sont intervenues « après un examen manuel » par son équipe de « spécialistes ». Toutefois, son algorithme dédié à la suspension automatique de comptes a déjà été sanctionné aux Pays-Bas. Saisi par un groupe de chauffeurs, un tribunal d’Amsterdam a, en février 2021, ordonné à Uber (qui ne s’est pas présenté à l’audience) d’annuler la désactivation des comptes concernés et de les réactiver sur sa plateforme.
En Italie, le cas Foodinho
D’autres plateformes utilisant des algorithmes similaires ont elles aussi été épinglées. La « Cnil » italienne a, début juillet, prononcé une sanction de 2,6 millions d’euros contre la plateforme de livraison de repas à domicile Foodinho (détenue par l’espagnol Glovo), qui gérait ses livreurs à vélo à l’aide d’un algorithme, sans aucune intervention humaine. Le motif ? Foodinho n’a pas correctement expliqué aux livreurs le fonctionnement de son système de gestion automatisée des commandes et ne s’est pas assurée de la justesse de l’évaluation algorithmique de leurs performances. Foodinho s’est aussi vu reprocher de ne pas avoir fourni aux livreurs la possibilité de contester les mesures prises à leur encontre par ces algorithmes de « performance ». « Ce sont des peines très fortes et dissuasives », commente Me Giusti.
Le dossier « Uber » est aussi entre les mains de l’autorité néerlandaise de protection des données, chef de file des Cnil européennes. « Celle-ci va instruire le dossier et demander à Uber des explications, l’objectif étant d’unifier les décisions qui concernent des opérateurs transfrontaliers », explique l’avocat. Vu l’importance de l’affaire, ce dernier a, à sa demande, été auditionné par la présidente de la Cnil. Il attend de pied ferme le résultat de ses premières plaintes, qui datent d’environ un an. « La Cnil doit s’assurer que les déconnexions sont basées uniquement sur un traitement automatisé, ce qui prend du temps. » L’avocat attend le résultat de cette action pour saisir le juge judiciaire dans le cadre d’une action de groupe visant à obtenir la réparation des préjudices. Me Giusti en fait une affaire de principe allant au-delà du cas d’espèce : « Ce sujet est majeur et paneuropéen. Au-delà des chauffeurs et livreurs, il interroge l’avenir du travail à l’ère des robots. »
Déconnexion automatique de chauffeurs Uber, une nouvelle plainte à la Cnil
La commission se penche sur les algorithmes de la société de VTC après des suspensions de comptes inexpliquées. L’affaire prend une dimension européenne.
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