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Important Travailleurs des plates-formes : Faut-il sauver le soldat Frouin ?


Important Travailleurs des plates-formes : Faut-il sauver le soldat Frouin ?


AZF

La passion du VTC
PREMIUM
MODO
VTC
14 Décembre 2016
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Localité
Paris
Véhicule
Toyota Prius 4
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Au début d’année, le gouvernement avait souhaité engager une réflexion sur la question ô combien sensible de la représentativité des travailleurs de plates-formes numériques et en avait confié la responsabilité à une commission présidée par l’ancien magistrat Jean-Yves Frouin qui devait rendre ses conclusions avant la fin du mois d’octobre.

Les jours passent et il semble bien qu’on ait perdu la trace du soldat Frouin…

Rapport dans les tiroirs
Rappel des épisodes précédents : dans la loi d’orientation sur les mobilités (LOM), le Gouvernement a obtenu du Parlement l’autorisation de légiférer par ordonnance sur la question ultrasensible de la représentativité des travailleurs de plates-formes et, en particulier, des chauffeurs VTC (Art. 48 de la LOM).
Même s’il s’agit d’une pratique régulière sous la présidence Macron, le fait d’habiliter le gouvernement à légiférer par ordonnance reste malgré tout une marque de défiance à l’égard du Parlement.

Mais, cela implique de procéder au vote d’une loi de ratification qui devra être soumise au Parlement dans un délai de trois mois après la publication de l’ordonnance, celle-ci devant être prise dans un délai de douze mois après la promulgation de la loi LOM.

En clair : l’ordonnance est à publier avant le 24 décembre 2020. La loi de ratification devra être déposée devant le Parlement dans les trois mois qui suivent.

Donc, en tout état de cause, les parlementaires devront ratifier l’ordonnance qui encadrera les règles de représentativité des travailleurs de plateformes. Il est donc logique que les parlementaires les plus impliqués sur le texte et les plus sensibles aux questions de mobilité et de numérique, comme Jean-Marc Zulesi, se préoccupent de l’avancée des réflexions du Gouvernement en la matière.

Qu’a fait le gouvernement après le vote de la loi LOM ?

Il a nommé une commission présidée par Jean-Yves Frouin, ancien magistrat de la Cour de cassation, pour lui indiquer la marche à suivre en matière de représentativité et lui faire des propositions de rédaction pour l’ordonnance, donc travailler sur le tiers-statut.

La commission a travaillé et auditionné de nombreux acteurs, dont les signataires de ce texte : le parlementaire Olivier Jacquin, le chauffeur VTC Brahim Ben Ali, secrétaire général de l’INV et Jérôme Giusti, avocat au barreau de Paris, conseil de 200 chauffeurs qui ont demandé leur requalification en travailleur salarié devant le Conseil de Prud’hommes de Paris et de la LDH qui poursuit Uber devant la CNIL pour violation du RGPD.

Suite à la jurisprudence de requalification d’un chauffeur Uber de la Cour de cassation en mars dernier, le champ de réflexion de la commission Frouin a été élargi. Le Premier ministre de l’époque, Edouard Philippe, a demandé à Jean-Yves Frouin de réfléchir plus généralement au statut des travailleurs de plates-formes et pas seulement à leur représentativité.

Les travaux se sont poursuivis et il a été annoncé que la commission rendrait ses conclusions à la fin du mois d’octobre. Nous n’en attendons pas une évolution sociale « généreuse », mais au moins un avis éclairé sur cette question sensible du travail au XXIe siècle

Fin octobre, les conclusions n’ont pas été rendues mais le gouvernement a, de manière impromptue, pris l’initiative de publier un décret précisant les conditions d’approbation de la charte de responsabilité sociale des plates-formes dont le Conseil constitutionnel avait pourtant censuré la portée dans sa décision du 24 décembre 2019 sur la loi LOM (Art. 44 de la LOM). Initiative d’autant plus surprenante qu’elle a eu lieu avant le rendu des travaux de la commission Frouin qui justement porte sur ce sujet.

Depuis, on est sans nouvelle de la commission Frouin. Or, le temps presse car l’ordonnance doit être publiée avant le 24 décembre prochain.

Nous nous interrogeons donc sur les points suivants :
1/ Le gouvernement a-t-il décidé de ne pas tenir compte des conclusions de la commission Frouin ?
Mais alors pourquoi l’avoir nommée, avoir élargi ses missions, l’avoir laissée travailler ? Est-ce parce que les orientations de Jean-Yves Frouin ne conviennent pas au Gouvernement ?

2/ Le gouvernement est-il sous influence ?
Pour obtenir la parution du décret, les plateformes numériques ont-elles fait pression sur lui ? On est en droit de se poser la question et de vouloir savoir qui va réellement tenir la plume au moment de la rédaction de l’ordonnance.

3/ Quel rôle souhaitent exercer les parlementaires ?
Déjà dessaisis par la loi d’habilitation, vont-ils pouvoir et vouloir exercer un contrôle a posteriori sur l’ordonnance au moment de la loi de ratification ?

4/ Le gouvernement compte-t-il passer en force contre le Conseil Constitutionnel ?
Le décret qui précise les règles d’approbation de la charte de responsabilité sociale ressemble à une nouvelle tentative de la part du Gouvernement pour imposer la charte comme rempart à la requalification.

5/ Le gouvernement ne répond pas à l’urgence de la situation et aux difficultés des chauffeurs.
Déjà remis en cause par le droit, le modèle de l’uberisation montre, à la faveur de la crise actuelle, toute son injustice. Supposés indépendants, les travailleurs de plateformes sont en réalité les victimes d’un système qui vise à les soumettre à la volonté d’algorithmes, à verser des commissions exorbitantes aux plateformes et maintenant à devoir respecter, avec les « chartes de responsabilité sociale », des conditions de travail unilatéralement imposées par les plateformes.

Autrement dit, le gouvernement méprise le Parlement en procédant par ordonnance ; méprise le Conseil constitutionnel qui avait remis en cause les chartes ; méprise sa propre méthode en ne tenant pas compte des conclusions de la commission Frouin ; méprise les travailleurs de plateformes numériques qui attendent et espèrent de sa part soutien et protection dans cette période si difficile et protège les plates-formes plutôt que les travailleurs, comme nous le disons depuis des mois.

Brahim Ben Ali, secrétaire général du syndicat INV
Jérôme Giusti, avocat
Olivier Jacquin, sénateur PS de Meurthe-et-Moselle
Vincent Duchaussoy, secrétaire national du PS au Travail et à l’Emploi

 



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