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Info Requalification en contrat de travail, la vague continue : après le livreur "Take it easy", le chauffeur "Uber"...


Info Requalification en contrat de travail, la vague continue : après le livreur "Take it easy", le chauffeur "Uber"...


AZF

La passion du VTC
PREMIUM
MODO
VTC
14 Décembre 2016
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Localité
Paris
Véhicule
Toyota Prius 4
Merci à P @player59 pour l'info

Dans un arrêt du 10 janvier 2019 (CA Paris, 10 janvier 2019, n° RG 18/08357), la Cour d’appel de Paris a jugé, pour la première fois, que le lien unissant un chauffeur (auto-entrepreneur) avec la société UBER était bien celui d’un contrat de travail.

Cette décision fait ainsi écho à la position récente de la Cour de cassation (Cass. Soc., 28 novembre 2018, n°17-20.079) qui a reconnu le statut de salarié à un livreur à vélo agissant aussi pour une plate-forme numérique (« Take Eat Easy »)
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Le chauffeur ’UBER’ obtient la reconnaissance d’un contrat de travail.

Le litige entre le chauffeur et UBER commence lorsque ce dernier lui désactive son compte, « après une étude approfondie de sons cas », l’empêchant ainsi d’obtenir de nouvelles réservations et mettant de fait un terme à leur relation commerciale.

Afin d’être indemnisé, le chauffeur UBER décide de saisir le Conseil de prud’hommes d’une demande de requalification de sa relation de travail (sous la forme d’un contrat commercial) en contrat de travail à durée indéterminée.

Le Conseil de prud’hommes, qui est compétent exclusivement pour les litiges entre salariés et employeurs, se déclare incompétent, estimant que les parties sont liées par un contrat commercial, relevant de la compétence du Tribunal de Commerce.

Les jugent rappellent que le Code du travail pose une présomption de non salariat pour les personnes inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés (article L. 8221-6 du code du travail), comme c’était le cas du chauffeur. Ils considèrent ensuite que les éléments apportés par le chauffeur UBER ne permettent pas de renverser cette présomption et de caractériser un lien de subordination (et donc l’existence d’un contrat de travail).

Le chauffeur UBER saisi la Cour d’appel de Paris.

La Cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 10 janvier 2019, a quant à elle estimé que le chauffeur renversait la présomption de non salariat de l’article L.8221-6 du code du travail, et démontrait l’existence d’un contrat de travail le liant à UBER.

Pour rappel, la reconnaissance d’un contrat de travail nécessite la réunion de 3 éléments :
  • Une prestation de travail ;
  • Une rémunération (qu’elle soit fixe, variable, en chèque, en liquide, …) ;
  • Et le critère essentiel : un lien de subordination.
Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

En cas de litige, les juges s’appuient donc sur les circonstances de fait pour savoir s’il s’agit ou non d’une relation de travail.

Il s’agit très concrètement de se poser les questions suivantes : est-ce que l’entreprise donne des ordres et des directives ? Est-ce que l’entreprise peut en contrôler l’exécution ? Est-ce que l’entreprise peut sanctionner le subordonné en cas de manquement ? Est-ce qu’il existe une dépendance économique du subordonné ? etc.

En l’occurrence, la Cour d’appel de Paris a notamment relevé que le chauffeur UBER :
  • ne fixait pas seul ses tarifs (les tarifs appliqués pour chaque prestation sont fixés au moyen des algorithmes de la plateforme UBER par un mécanisme prédictif, imposant au chauffeur un itinéraire particulier dont il n’a pas le libre choix ) ;
  • n’était pas libre d’organiser son emploi du temps ;
  • n’était pas en mesure de constituer sa propre clientèle (la charte UBER interdit au chauffeur, lors d’une course réservée par l’application, de prendre des passagers autres que ceux pris en charge dans le cadre de son application) ;
  • devait suivre les directives d’UBER (instructions du GPS de l’application) ;
  • était contrôlé via un système de géolocalisation ;
  • était sanctionné (le chauffeur était soumis à un système de notation pouvant entraîner la perte d’accès à l’application UBER ; De même, le chauffeur peut également perdre définitivement l’accès à l’application s’il se voit reprocher un « comportement problématique).
La Cour d’appel de Paris a ainsi estimé qu’un « faisceau suffisant d’indices » était réuni, permettant de caractériser l’existence d’un lien de subordination entre le chauffeur et la plateforme UBER et par conséquent l’existence d’un contrat de travail.
La juridiction prud’homale est donc compétente et le salarié peut solliciter une indemnisation au titre de la rupture de son contrat, désormais reconnu comme un contrat de travail.

Les conséquences financières de la requalification en contrat de travail.

En obtenant la requalification du contrat commercial en contrat de travail, l’auto-entrepreneur est fondé à obtenir une indemnisation importante, à savoir paiement d’une indemnité au titre du travail dissimulé, soit 6 mois de salaire (cf. articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail).

Le chauffeur peut également revendiquer les droits reconnus par le code du travail à tous les salariés, à savoir notamment :
  • paiement des congés payés (2,5 jours ouvrables acquis par mois),
  • le cas échéant du paiement d’un rappel de salaire sur la base du SMIC, ou des minimas de la convention d’entreprise applicable, pour la période travaillée,
  • une mutuelle d’entreprise.
En outre, si le contrat de travail est toujours en cours (ce qui n’était pas le cas dans l’arrêt de la CA), le salarié pourra bénéficier de la législation en matière de maladie et accident de travail, du respect des durées maximales de travail quotidiennes et hebdomadaires, du respect du droit au repos quotidien et hebdomadaire, etc.

En revanche si le contrat a été rompu, le chauffeur pourra contester la validité de la rupture (en l’absence de licenciement en bonne et due forme) et réclamer des dommages et intérêts sur la base des dispositions du Code du travail :
  • Une indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
  • Une indemnité compensatrice de préavis ;
  • Une indemnité de licenciement légale ou conventionnelle ;
  • Une indemnité compensatrice de congés payés.
A noter s’agissant de cet arrêt que la Société Uber s’est pourvue en cassation. La solution pourrait donc être remis en cause. Mais si la requalification en contrat de travail est confirmée, la décision fera date et sera lourde de conséquences pour la société.

Au travers une telle décision, c’est évidemment tout le modèle économique ("l’ubérisation" des relations de travail) qui est menacé, puisque si elle est validée par la Cour de cassation, elle ouvrira la voie à de nombreuses actions collectives en requalification de la part de chauffeurs (Uber, Chauffeur privé, TXFY, etc.) ou de livreurs (Deliveroo, Foodora, Allo Resto, Uber Eats, etc.). Ce sera alors aux juridictions de trancher si l’auto-entrepreneur se trouve en réalité dans une situation de salariat.

Requalification en contrat de travail, la vague continue : après le livreur "Take it easy", le chauffeur "Uber"... Par Marie Thibaud-Faber, Avocat.
 

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