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Info Quebec: meme les taxis ont une famille à nourrir !!!


Info Quebec: meme les taxis ont une famille à nourrir !!!


AZF

La passion du VTC
PREMIUM
MODO
VTC
14 Décembre 2016
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6 077
Localité
Paris
Véhicule
Toyota Prius 4
Mon chauffeur de taxi pleurait. Il essayait de cacher ses larmes. C’est qu’il a une famille à nourrir. Le taxi est le seul travail décent qu’il a pu trouver au Québec, malgré ses diplômes, malgré les promesses des gouvernements.

Il sait que le combat contre la dérèglementation du taxi sera très dur. Il n’est pas sûr de le remporter.

Mais ce n’est pas pour ça qu’il pleure.

Il pleure parce qu’il ne comprend pas comment son gouvernement, le gouvernement du Québec, peut le laisser tomber. Le laisser tomber au profit d’une multinationale étrangère.

Il est arrivé au Québec il y a vingt ans. Il se sent Québécois.

Et c’est aussi pour cette raison qu’il pleure. Parce que des imbéciles sur les réseaux sociaux ont écrit que de toutes manières les chauffeurs étaient des immigrants et qu’il ne fallait pas les aider.

Lui, il n’a pas de permis de taxi. Il était trop occupé à travailler pour nourrir sa famille. Ses enfants sont aux études et ils réussissent bien. L’un rêve de devenir ingénieur. Il a les notes me dit-il, avec une fierté paternel. L’autre veut devenir enseignante...

Il a entendu le ministre parler des «prix dynamiques» pour les courses d’Uber et cies. Des «prix dynamiques» ! Je lui dis qu’il s’agit d’une expression séduisante qui cache des hausses de prix faramineuses pour les clients. Quand les taxis auront presque disparus et qu’Uber se trouvera en situation de monopole, les Québécois réaliseront qu’ils se sont faits avoir. Ils comprendront pleinement la logique des «prix dynamiques», qui seraient mieux nommés «prix élastiques». Sans compter qu’il est douteux que si un jour il travaille comme chauffeur pour Uber, il parvienne à gagner le même salaire que maintenant. Les enquêtes internationales montrent qu’être chauffeur pour Uber rapporte beaucoup moins que le salaire minimum.

Mon chauffeur de taxi ne comprend pas comment le gouvernement peut être à ce point naïf. Il croit dur comme fer que des lobbies ont acheté les élus. J’essaie de lui expliquer qu’il s’agit d’une idéologie, d’un aveuglement face aux technologies. Je sais que je ne le convaincs pas. Je ne suis moi-même qu’à moitié convaincu par ma propre explication.

«Ça va brasser» lance-t-il.

Nous restons silencieux un moment. Il essuie encore quelques larmes.

Son auto est propre et en ordre, comme les véhicules de la plupart des chauffeurs de taxi. Je songe aux gens qui ne prennent à peu près jamais de taxis, mais qui n’hésitent pas à prononcer les jugements les plus faux et les plus sévères sur cette industrie. Ils croient que les taxis sont tous de vieux tacos sales conduits par des chauffards.

Le trafic devient plus dense. Mon chauffeur me propose une route différente, un peu plus rapide. J’acquiesce. Il pointe l’écran de son GPS et ajoute : «la machine ne comprend pas le trafic». J’acquiesce à nouveau.

Nous arrivons à destination. Il me demande comment je veux payer. Crédit, comptant, par carte bancaire ? Le prix de la course est clairement affiché à son compteur. Pas d’embrouille, pas de prix gonflés par un logiciel obscur.

Je dis au chauffeur que je vais écrire sur ce qui arrive aux taxis. Il me remercie à peine. Il se sent comme un condamné à mort.

Vraiment, au Québec, nous sommes très forts quand il s’agit d’adopter la dernière mode technologique. Mais nous sommes beaucoup moins bons pour nous demander si cette nouvelle mode est souhaitable pour l’économie et pour les gens.

Reviendrons-nous à nos esprits ?

La dérèglementation de l’industrie du taxi est une mesure cruelle qui fera souffrir des milliers de Québécois et qui nous coûtera cher à tous, sans aucune raison valable.

Je pense aux ministres qui roulent en limousine, avec des chauffeurs fournis par le gouvernement. Le contraste est à pleurer.

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PS. J'ai écris cette chronique lundi. Je ne l'ai pas publiée parce que je la trouvais trop sentimentale. C'était une erreur. Le geste dramatique de ce matin d'un chauffeur de taxi devant les caméras m'en a fait prendre conscience. Je dédie cette chronique aux courageux chauffeurs de taxi.
Mon chauffeur de taxi pleurait
 



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