Quand on contredit quelqu'un sur un sujet technique, mieux vaut savoir de quoi on parle... (question droit social et économie, je pense qu'on ne joue pas dans la même catégorie.) Mais bon, peut-être qu'un petit article de Gérard Filoche (inspecteur du travail le plus célèbre) te mettra les idées au clair :
Appelez donc la nouvelle loi El Khomri « loi Uber ».
Dans la dernière version, la pire, de la loi El Khomri à l’Assemblée nationale, a été ré introduite la légalisation de la pieuvre multimilliardaire amie de Macron, Uber. Un coup tordu qui vient de loin : il s’agit d’habiller ces salariés en « indépendants » sans possibilité pour eux de faire « requalifier » leur contrat.
A l’origine, il y eut le 11 février 1994 la « loi Madelin » instaurant la « présomption de non salariat » pour les inscrits au registre du commerce, au répertoire des métiers ou même à l’Urssaf. (Art L.120-3 du code du travail devenu L.8221-6 après la recodification de 2004-2008). Nous avions obtenu l’abrogation de cette présomption de non-salariat dans la loi du 19 janvier 2000 (dite « Aubry 2 »). Fillon avait rétabli le dispositif Madelin dans sa loi du 1er août 2003 à laquelle les socialistes, comme toute la gauche s’étaient vivement opposés. Michel de Virville, DRH Renault, vedette du Medef, dans son rapport de janvier 2004, proposa alors que chacun ait le « libre choix » de son statut, salarié ou indépendant.
Nous y voilà, sous couvert de (prétendue) nouveauté, derrière le chantage aux plates formes numériques. Il s’agit de pousser des millions de travailleurs dans des activités non salariées, au bon gré de contrats commerciaux. Comme les VTC ils pourront travailler 20 h par jour, 120 h par semaine, sans cotisations sociales, ni contrat de travail, jetables sans ménagement au bon gré des donneurs d’ordre des plateformes numériques qui les feront officier au sifflet.
Deux députés, Caresche et Troallic, ont déposé 3 amendements identiques qui ont formé, dans la version 4 de la loi El Khomri le nouvel article 27 bis.
L’art 27 bis nomme les VTC d’Uber : »
travailleurs utilisant une plateforme de mise en relation par voie électronique » dans la 7° partie du Code du travail (celle avec les VRP, gérants…) et il est précisé que l’art. L.7411-1 du code du travail ne leur est pas applicable (c’est l’article qui dit que le code du travail est applicable).
Uber,
SI le travailleur cotise de lui-même pour les accidents du travail, doit prendre en charge
cette cotisation-là ; se syndiquer et faire grève ne sont pas un motif de rupture, mais ce frêle habillage ne masque pas qu’ils n’ont ni horaires légaux ou maxima, ni salaire minimum, ni droit contractuel du travail, ni cotisations sociales, ni médecine du travail, ni élus du personneI, etc. Ils seront privés de droits et même du droit de défendre leurs droits.
Argument supplémentaire : l’ubérisation ne diminue pas la dépendance, au contraire elle l’augmente en nombre de personnes concernées en transformant d’anciens indépendants en dépendants puisque les plateformes tendent à phagocyter le marché. Les artisans contraints progressivement de passer par une plateforme pour trouver des clients perdent ainsi peu à peu leur indépendance. C’est finalement la tendance naturelle du capitalisme à la concentration qui s’exprime dans l’ubérisation. Et là ils font fort : ils utilisent l’attrait de la jeunesse pour les nouvelles technologies et l’indépendance à leur profit. Ils parviennent à faire cohabiter la modernité avec le retour au siècle de Zola.
Cet article a été écrit par
Gérard Filoche, publié le 6 mai 2016 à 18:02
CONCLUSION
La procédure en cours de l'URSSAF a donc été torpillé en plein vol par la "Loi El-Khomeri". L'URSSAF pourra tout au plus demander réparation pour les trois années passées. L'URSSAF ira certainement au bout de la procédure en espérant que la justice prendra une décision "politique" en sa faveur, mais cette stratégie n'est pas sécurisée. Faut attendre de voir ce qui va se passer, mais je doute très fort que cela se finisse par une requalification des partenaires en contrat salarié. De toute façon, au besoin, si ça tournait mal pour les plateformes numériques, le prochain gouvernement de droite renforcera la "Loi travail" afin de sauver le business des plateformes numériques.